What really happened to you, bae ?

Il était approximativement trois heures du matin lorsque Phélina passa le seuil de la porte de son appartement. Titubant et riant comme une sotte, elle enleva ses talons noirs. Les balançant à travers l'entrée, la jeune femme s'appuya quelques instants contre le mur. Repensant à sa soirée. Quelle soirée. Encore une soirée à siroter des cocktails seule. D'ailleurs, elle se rendit compte qu'il fallait vraiment qu'elle arrête de boire. A la voir, on se serait cru dans un remake des alcooliques anonymes. Promis, juré, craché. Demain, j'arrête ! Or not. La jeune femme n'était pas alcoolique, loin de là. Seulement, depuis le retour d'Angel dans sa vie, plus rien n'allait. Enfin, c'était un peu exagéré de dire que plus rien n'allait. Sauf quand le plus rien, reprend la personne que vous considériez un peu comme votre monde. Depuis son retour, plus rien n'était comme avant. Le jeune homme semblait froid et distant. Bien que plus enjoué qu'autrefois, Phélina ne le reconnaissait pas. Les deux jeunes vivaient dans le même appartement et pourtant, ils ne faisaient que se croiser. La situation était incompréhensible pour la jeune femme. Phélina savait que la guerre pouvait changer un homme mais à ce point … Avait-il rencontré quelqu'un d'autre ? Avait-il simplement oublié tout ce qu'ils avaient vécu depuis leur toute jeune enfance ? S'était-il simplement lassé de sa présence ?  Dire que cette situation lui faisait du mal, n'était qu'un doux euphémisme. C'était bien pire que cela. Un peu lâche, la jeune femme n'avait trouvé comme échappatoire que sa clinique le jour et le bar qui se trouvait dans le quartier la nuit.

Quoiqu'il en soit, Phélina était bien décidée à avoir des réponses ce soir. Trop plein de courage sûrement initié par la téquilla. Trottinant comme une petite sourie dans le couloir, la jeune femme se dirigea vers la chambre d'Angel. Arrivée devant la porte, elle saisissa la poignée et la tourna doucement. Heureusement pour elle, les chevilles de la porte ne grinçaient pas. Comme une enfant ayant peur d'être prise sur le fait, elle s'approcha timidement du lit où se trouvait Angel. De loin, il semblait dormir paisiblement. A mesure qu'elle s'approchait, Phélina le regrettait déjà. Le voir si paisible dans son sommeil, lui rappelait cruellement combien elle avait pu l'aimer et combien, elle l'aimait toujours, à ses dépends. Elle qui mettait tant d'efforts à refouler ses sentiments pour le coup, c'était loupé. En même temps, quelle idée de pénétrer dans sa chambre comme un intrus en plein milieu de la nuit ? Puisque la tentation était trop grande pour lutter contre à cette heure de la nuit, Phélina s’essaya à côté de lit et posa sa tête dessus, regardant simplement Angel qui dormait comme si de rien n'était.

Pour être honnête, Phélina se rendit compte qu'elle s'était endormie que lorsqu'elle se réveilla en sursaut. Le cœur battant à mille à l'heure, la jeune femme mis quelques secondes avant de vraiment percuter ce qui était en train de se passer sous ses yeux de couleur rouge sang. Angel se débattait dans sa couette et criait des choses totalement incompréhensibles pour quelqu'un qui était seulement en train de décuver de sa soirée. Inquiète pour lui, Phélina posa sa main sur son épaule et tenta de le réveiller en le secouant sans le brusquer …

« Angel … Angel … Angeeeelll … Est-ce que tout va bien ? »

Aussi loin que ses souvenirs lui permettaient de remonter, Phélina n'avait jamais vu Angel dans un tel état … Que lui arrivait-il ?

Seul. Angel est seul ce soir. Comme beaucoup de soir depuis quelques temps. Lorsqu’il est revenu de sa convalescence, sans avoir prévenu personne ni même sa fiancée, ça a été un choc pour elle. Peut-être qu’elle avait refait sa vie, peut-être qu’elle ne pensait plus le revoir. Lorsqu’il a vu son doux visage, son cœur s’est réchauffé. Mais quelque chose s’est éteins en lui. Même s’il fait tout pour être aussi gentil, doux, drôle et joyeux qu’auparavant... ce n’est plus même personne qui s’éveille chaque matin. Ce n’est pas le même. Presque automatiquement, il a pris la route vers la chambre d’ami. Il n’a pas demandé son avis à Phélina. Il ne veut pas qu’elle subisse ses réveils nocturnes et ses insomnies. Elle n’a pas à subir tout cela. Il voit bien qu’elle souffre. Elle sort et reviens. Comme lui, elle évite le domicile le plus possible. Lorsqu’ils se croisent, c’est comme s’ils ne se connaissaient pas. Angel aimerait rayer d’un coup de crayon ces sept dernières années. Il sait aussi qu’il n’est pas impossible qu’une part d’elle lui en veut. Elle n’a jamais voulu qu’il entre dans l’armée. Elle a sans arrête insister pour qu’il ne se rende pas à la guerre. Mais quel homme aurait-il fait s’il n’avait pas aidé sa nation.  

Ce soir-là, après avoir ris et fait de la musique dans son bar habituel, il rentre chez lui, sobre. Il se demande si elle sera là. Quand c’est le cas, il lui sourit et embrasse simplement son front. Il lui fait la conversation, comme si tout allait bien. Mais il y a cette distance... ces kilomètres qui semble ne pas vouloir se rapprocher de l’un et de l’autre. Mais comment faire quand son passé n’a plus rien à voir avec son présent... comment songé lui offrir ce dont il est incapable. Comment lui expliqué qu’il ne sait même pas s’il est encore capable d’aimer. S'il est encore capable de ressentir la moindre parcelle d’amour après tout ce qu’il a vu. Il ressent des choses oui... mais rien à voir avec de l’amour. Mais elle n’est pas là. Elle de sortie. Peut-être voit-elle un autre homme. Après tout, ils ne sont pas mariés et il a été absent si longtemps qu’il ne pourrait pas lui en vouloir. Il est si vide qu’il serait incapable de ressentir la moindre jalousie. Il sait que cela peut paraître pour de l’indifférence. Mais autrement que par la musique... il est incapable d’exprimer autre chose que ce faux semblant qu’il montre à chaque jour.  

Les heures passent. Il a mangé. Il a regardé la télé. Il a joué de la guitare, sa nouvelle trouvaille. Il a pris une douche bien chaude, sans savoir l’heure et a pris avant cela plusieurs cachets afin de s’endormir aussitôt. Il arrive dans sa chambre en boxer, les cheveux et le corps encore mouillé et il s’affale dans son lit, sombrant dans un sommeil profond. Le temps passe, pas tant que ça et pas assez pour que ses cheveux ne sèchent totalement. Il n’entend pas Phélina rentrer. Il n’entend pas la poignée de sa porte tournée ni même la demoiselle se déplacer à pas feutrer jusqu’à son lit. Il ne bouge pas lorsqu’elle se glisse à ses côtés, timidement, doucement... avant de finir par s’endormir à ses côtés. Mais c’est sans compter sur ce qui lui arrive si fréquemment. Dans son esprit, le tonnerre, la tempête, la douleur, le sang. Le feu et l’osbcurité. La poussière et la terre humide. La mort. Il entends les bombes, les armes à feu... il entend les hurlements de douleur et les avions à bombardement volant au dessus de sa tête : “Non.. Non...” soupire-t-il d’abord. Il commence à gigoter dans son sommeil. Il tremble, son corps se cambre et se crispe : “A TERRE !!! A TERRE!” hurle-t-il alors. Il voit son frère d’arme. Il s’avance sur le front, n’ayant peur de rien. Mais alors. Un homme, au loin... il vise... et la tête de son frère d’arme se prend une balle, l’entraînant à terre dans un mouvement de recule... et tout part en fumer : “NON!!!! NON!!!! RETRAIT RETRAIT !!!” il cri, il hurle et serre les draps, prêt à les déchirer entre ses doigts.  

Dans son sommeil, Angel ouvre des yeux d’effroi face au corps inanimé de celui qui a été à ses côtés durant tant de combat. Au loin, il voit celui qui est responsable de sa mort... : “HAAAAAAAA:!!!!!!” il hurle, il fonce, arme en main. Mais il la lâche, sautant au cou de l’inconnu. Il est si jeune, mais il ne le voit pas ainsi. Le visage d’Angel est déformé par la haine, la rage, la rancœur et son cœur de glace. Mais alors, dans la réalité, il ne se rend pas compte que ses yeux sont ouverts, fixant la belle Phélina qui vient de poser une main sur son épaule doucement. Il ne se rend pas compte qu’il n’a pas ses mains autour de la gorge de ce jeune garçon mais bien autour de celle qui était ta fiancée. Quand dans un souffle, suffocant, il entends sa voix, son nom... Il cligne des paupières et reprend conscience. Il la voit, contre les draps, suffoquant sous son jouc. Subitement, il se recule, tombant presque du lit et lâchant sa prise, il se retrouve à genoux, transpirant, comme un enfant et les larmes coulant de ses joues il regarde la jeune femme d’un air surpris, choqué et surtout, encore ailleurs. Alors qu’elle redresse, il remarque dans la lueur de la lune passant par la fenêtre, les traces laissé sur ses joues. Partant alors dans un sanglot, il laisse tombé son visage dans ses mains, se recroquevillant alors : “J’suis désolée j’suis désolée j’suis désolée...” gémit-il alors, clairement plus le même homme que le matin-même : “va-t-en... je t’en prie va-t-en...” il pourrait même dire va-t-en avant que je ne te fasse encore du mal. Dans son esprit, le visage mort du jeune garçon qu’il a tué à ce jour-là... lui n’a pas survécu à ses mains...

Les quelques instants passés endormi à côté d'Angel, lui avait semblé être une éternité. Depuis le départ du jeune homme pour la guerre, Phélina n'avait plus jamais eu un sommeil apaisant. Auparavant marmotte, aujourd'hui, la jeune femme était passée du côté des insomniaques. C'était sûrement la raison pour laquelle, elle sortait si souvent. A quoi bon rester dans un grand lit froid quand on peut passer le temps autrement. Elle n'avait jamais réellement fait de cauchemars et heureusement. Son inquiétude grandissante à mesure où Angel avait commencé à espacer l'envoi de ses lettres, lui suffisait largement. Le pire a été lorsqu'elle n'a plus jamais reçu de lettres. Sept longues années d'inquiétude, laissaient des traces indélébiles et même si aujourd'hui, Angel était revenu sain et sauf, rien n'avait changé pour elle. Bien au contraire. L'inquiétude avait laissé sa place a la solitude. Et pour être honnête, c'était un sentiment encore plus néfaste.

Quoi qu'il en soit, Phélina ne s'était jamais sentie aussi bien. Comme apaisée, elle souriait. C'était si rare de la voir sourire dorénavant. La présence d'Angel, même s'il ne s'en rendait pas compte, lui faisait un bien fou. Le savoir si proche d'elle, sans avoir le risque qu'il ne la repousse, était une bénédiction. Marchant sur des œufs depuis son retour, Phélina n'avait jamais vraiment su comment se comporter avec lui. La distance était peut être la meilleure des solutions afin de se préserver mais était-ce une solution durable ? Et même si elle se tenait accroupie sur le côté du lit, avec simplement sa tête posée sur ce dernier, la proximité avec le jeune homme lui réchauffait le cœur. Comme un coup de soleil. Et même si elle ne l'avouerait jamais, Angel lui manquait terriblement. SON Angel lui manquait. Le jeune homme qui arpentait l'appartement tel un fantôme, n'était plus celui qu'elle avait aimé. Et pourtant, l'espoir de le revoir un jour ne la quittait pas ni un instant, ni même une seule seconde. Il paraîtrait que l'espoir faisait vivre mais qu'en était-il de la longue attente ?

Angel commençait à se débattre et pourtant, la jeune femme n'avait pas bougé d'un centimètre. C'est lorsqu'elle l'entendit crier qu'elle se réveilla en sursaut. Puisqu'Angel se tortillait dans tous les sens, devenant dangereux pour lui-même, la jeune femme décida de le réveiller afin qu'il reprenne ses esprits, mais c'était sans compter sur les mains d'Angel qui entourèrent son cou, sans que Phélina ne puisse faire quoi que ce soit. Collée contre le lit, la jeune femme essayait de se débattre tant bien que mal. Le jeune homme avait de la force. Beaucoup trop de force. L'armée l'avait rendu fort. La jeune femme était tétanisée. A mesure qu'elle tentait de s'échapper de son emprise, Phélina sentait les mains d'Angel se resserrer, ne laissant plus passer l'oxygène jusqu'à ses poumons. Finalement, elle n'entendait même plus ce que le jeune homme disait. Son image s'obscurcissait à mesure que la jeune femme manquait d'elle. Tout ce qu'elle voyait, c'était les yeux remplis de haine qui la fixaient intensément.

Tentant une dernière fois de sauver sa vie, Phélina suffoqua avec le peu d'air qui lui restait, le prénom du jeune homme. C'était quitte ou double. La jeune femme se sentait partir et pourtant, comme un électrochoc, elle senti comme une rafale de vent, lui gonfler les poumons et lui rendre l'oxygène qui lui avait tant manqué pendant ses quelques secondes. Angel avait lâché prise. Comme apeurée, Phélina se releva et sorti du lit pour se plaquer contre le mur non loin telle une biche affolée, tenant sa gorge entre ses mains. C'était douloureux très douloureux. Et cette vision … Ses yeux … Elle n'oublierait sans doute jamais le regard rempli de haine que lui avait lancé Angel. Comme sous le choc, la jeune femme ne pu retenir ses larmes alors qu'Angel s'excusait en la priant de partir. Trop facile. Troublée et choquée, Phélina resta contre le mur, se sentant un peu en sécurité contre lui, sanglotant.

« Mon dieu Angel ! Que t'est-il arrivé pendant que tu étais là-bas ? Je ne te reconnais plus. J'ai dormi des milliers de fois avec toi et jamais … Je … Tu … Tu n'as jamais été dans un tel état. Jamais, tu ne m'aurais fait de mal … »

Phélina était troublée, encore sous l'emprise de l'adrénaline qui lui avait parcouru le corps pendant qu'elle était sous l'emprise des mains d'Angel. Le jeune homme qu'elle aimait, lui faisait peur, maintenant. Avant, il n'aurait jamais osé imaginer levé la main sur elle et voilà que maintenant, il venait de l'étrangler. La détestait-il autant ? Phélina pleurait sûrement parce qu'elle avait eu peur mais, ce qui la faisait repartir en sanglots, c'était la vision de ses yeux qu'elle avait tant aimés. Elle en avait le cœur brisé. Maintenant, elle manquait d'air mais seulement parce qu'elle ne savait plus s'arrêter de pleurer.

Le silence avait envahi la pièce. Angel se tenait prostré dans son lit et Phélina, quant à elle, s'était laissée glisser le long du lit, se retrouvant assise, ses bras traînant par terre, vidée de son énergie vitale. La jeune femme était épuisée et pourtant, elle ne pouvait se résoudre à partir. Maintenant, elle avait besoin de réponse. Il n'était plus question de continuer à faire l'autruche.

« Je ne partirai pas. N'essaye même pas de m'y obliger, tu n'y arriveras pas. »

Se relevant avec beaucoup de mal, Phélina se dirigea vers le lit sur lequel Angel se tenait toujours, d'un pas nonchalant. Elle s’essaya sur le bord, faisant face au mur.  Pour l'instant, la jeune femme ne pouvait pas se résoudre à affronter le regard du jeune homme. Elle n'était pas encore prête à faire face à ce qu'il l'avait tant terrorisé sur l'instant.

« Depuis que tu es revenu, je suis convaincue que quelque chose ne va pas chez toi. Je pensais que nous n'avions aucun secret l'un pour l'autre. Je suis prête à tout entendre. Tu ne peux pas continuer à te tenir devant moi comme si de rien n'était alors que nous savons tous les deux que ce n'est pas le cas. »

Cherchant ses mots, Phélina laissa planer un court silence.

« Ne t'avise pas de me sortir simplement que la guerre change les hommes. Je veux savoir ce qu'il t'est arrivé à toi. Et à toi seul. Et je ne partirai pas tant que tu ne l'auras pas fait ! »

Passant ses mains autour de son cou douloureux pour essayer de soulager la sensation de brûlure, Phélina n'était pas sûre qu'ouvrir la boite de pandore était la meilleure des solutions mais rester dans l'ignorance était pire ….

Replié sur lui-même, Angel n’ose pas la regarder. Mais lorsqu’il relève enfin son regard troublé sur la jeune femme, ce qu’il voit lui fend le cœur. Contre le mur, loin de lui, elle pleur, terrifier et sous le choc. Il ne peut pas lui en vouloir. Il tremble, tout comme elle. Il savait que ce jour arriverait... Mais il voulait que cela ne soit pas le cas. Depuis son retour, il a prit énormément de précaution. Il n’oublie jamais de fermer sa chambre à clef d’ordinaire... mais un instant d’égarement et Phélina semble en avoir profiter pour venir le voir. Les mots de sa fiancée résonnent dans la pièce, plaintive, suppliante. Oui, elle ne le reconnait plus. Parce qu’il n’est plus le même homme. Il n’est plus l’homme doux et innocent qui voulait sauver le monde il y a sept ans de cela. Aujourd’hui il voudrait se sauver lui-même et sauver les autres de lui-même. Il veut la préserver... mais il ignore comment. Mais aujourd’hui il se doute qu’une chose s’est briser. En boule, il la supplie de partir. Il ne veut pas lui faire de nouveau du mal. Mais c’est sans compter sur Phélina... une vraie tête de mule. Elle refuse de partir et la voilà qui se relève, s’avançant vers le lit. Angel recule, s’asseyant sur le lit contre la tête de lit. Il inspire profondément et la fixe alors qu’elle ne semble pas pouvoir le défier du regard. Elle regarde le mur... la lumière de l’extérieur définit parfaitement les marques qui commencent à apparaître sur le cou de la jeune femme. Angel sent sa culpabilité prendre plus d’ampleur. Il se sent mal... encore plus mal qu’il ne se sent d’ordinaire. Il a envie de vomir, envie de disparaître... il aimerait effacer les dernières minutes. Mais il ne peut pas. Il n’en a pas ce pouvoir. Mais dieu sait qu’il aimerait.

Transpirant, le cœur battant et la respiration encore haletante, les images qui ont hantés sa nuit continue d’apparaître à ses yeux alors que la voix de Phélina rompe ce silence pesant. Elle veut savoir. Elle veut du détail. Le regard du jeune militaire se tord de douleur à la simple idée de replonger dans ses vieux souvenirs, ses démons. Il la voie, passant sa main sur sa gorge, grimacer de douleur et son cœur se serre. Il préfère alors se lever... il sent comme une colère monter en lui. Se sentant comme prisonnier face à cette demande, cet ordre, cet ultimatum. Il a envie de crier. S'insurger. Mais il essaie de se contrôler. Il reste pendant de longues minutes dans un mutisme insoutenable... Il regarde dans le vide, sa vie d’avant le frappant de plein fouet : “Je... Je ne peux pas” souffle-t-il alors. Il se détourne, se lève et contourne la belle en faisant alors les cents pas dans la chambre. Il a du mal à respirer. Ne portant pourtant qu’un simple boxer il crève de chaud, il transpire... il passe sa main dans ses cheveux, sur son visage... plusieurs fois : “Tu captes pas... comment tu peux...” il serre les dents, passe celles-ci sur ses lèvres, son regard est perdu, troublé. Il se retourne alors, lui faisant face : “regarde-moi !” s’exclame-t-il alors : “comment tu peux !! Comment tu peux me dire que la guerre change un homme !? Et comment tu peux me demander de revivre ça !! De te raconter ce que j’ai vécu ?!! Tu crois que j’ai envie d’être comme ça ?! De revivre chaque nuit chaque instant l’enfer que j’ai vécu là-bas. Mais tu veux que je te parle de quoi Phélina ?!!” il essaie de se calmer mais comment... ?

Il continue de faire les cents pas alors, passant sa main sur sa bouche de nouveau, dans ses cheveux et sur son visage. Il lève les yeux vers le plafond, ses yeux humides regardant vers le ciel comme pour se donner de la force. Ses mains se posant sur ses hanches il peut sentir tous les muscles de son corps se crisper. Il tourne de nouveau son visage vers elle, son air si différent : “Tu veux savoir ?! Alors que tu ne me regarde déjà plus comme l’homme que tu as aimé tu veux que je te dise tout ?? Tu veux que je te dise combien d’homme j’ai tué ?! Combien de famille j’ai brisé ? Combien de cadavre d’enfant j’ai croisé sur ma route ? Combien de rivière de sang j’ai pu enjamber ? Tu veux que je te dise comment une fois j’ai, par la simple force de mes mains, étranglé un jeune homme jusqu’à voir la vie quitter son regard parce qu’il venait d’abattre l’homme qui a pris soin de moi et que je considérais comme l’être le plus cher à mes yeux juste devant moi ?! Tu veux savoir comme j’étais déchiré par la rage et que je ne me contrôlais plus à cet instant alors que je savais que ce pauvre gosse ne faisait que survivre comme je le faisais ?! TU VEUX SAVOIR TOUT CA PHELINA ?!!!!” l’air se teins d’un silence pesant alors qu’il se calme enfin, respirant fortement alors que les larmes coulent sur son visage et qu’il se rend alors compte de la déclaration qu’il vient de faire...

Il recule de quelques pas, essayant ses joues d’un revers de main en détournant le regard, reniflant et ses derniers mots sortent de sa bouche alors qu’il se retrouve le dos contre le porte : “Ne viens pas me dire... que la guerre change un homme... car tu n’en as aucune idée...” soupire-t-il alors, le regard vers le sol, laissant des larmes couler le long de ses joues : “On fait de nous des meurtriers... des mâchines... on en oublie l’humanité, la douceur, l’amour... on essaie de s’accrocher à la vie en se disant parfois qu’il vaut peut-être mieux mourir parce que... à quoi bon ?... il y aura toujours des guerres... je ne sauverait pas le monde... personne ne le peux...” il ne s’adresse plus vraiment à celle qu’il a tant aimé. Celle qui a toujours été là pour lui... celle qu’il a probablement perdue en même temps que lui-même... Il a finit, restant silencieux et ne s’attendant à rien de la part de Phélina. Elle peut partir, elle devrait. Il voudrait qu’elle parte, qu’elle refasse sa vie avec un homme qui ne sera pas détruit et qui ne risque pas de lui faire de mal à cause d’un syndrome post traumatique aussi important. Il ne veut plus faire de mal à quiconque. Lui qui voulait sauver le monde. Lui qui voulait rendre se monde meilleur... n’en ai plus la volonté aujourd’hui... et la chose en laquelle il croyait le plus à l’époque... n’est aujourd’hui rien d’autre qu’une illusion qui berçait ses rêves d’enfant.

A cet instant précis, la jeune femme se sentait pitoyable dans cet état. Vraiment pitoyable. Cela ne lui ressemblait pas de s’effondrer. Surement l’accumulation de tant d’années à tenter de faire comme si tout allait bien dans sa vie. Sa chevelure si parfaite, se voulait totalement en pagaille, traduisant simplement le chaos qui avait pris place dans son esprit. La scène qui venait de se dérouler sous ses yeux, était la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase. Depuis le retour d’Angel, Phélina n’avait jamais demandé de compte, pensant qu’elle n’en avait aucun droit. Après tout, ils n’étaient pas mariés. Quel droit avait-elle d’exiger de la part du jeune homme qu’il lui raconte tout ce qu’il avait vécu depuis toutes ses années ? Pendant tout un temps, la jeune femme avait même imaginé qu’un jour, Angel se confierait à elle tout naturellement comme il l’avait toujours fait autrefois, mais en vain. Aujourd’hui, il était temps. Tant de lui dire tout ce que la belle avait sur le cœur depuis toutes ses années. Tant qu’Angel explique son comportement totalement incompréhensible.  

Bien que Phélina ait pris son courage à deux mains pour faire toutes ces demandes à Angel, maintenant, la jeune femme n’était plus aussi sûre de vouloir avoir une réponse. Cette réponse, elle la craignait tellement … C’était l’unique raison pour laquelle, elle avait toujours essayé de garder la face devant lui. Toujours souriante en apparence, Phélina avait continué à vivre sa vie pour donner l’illusion que tout allait bien. Cependant, une fois la nuit tombée et Angel enfermé dans sa chambre à doubles tours, le masque tombait. Un peu comme l’alcool qu’elle avait ingurgité sans retenue ce soir. Une fois parmi tant d’autres. Phélina n’était pas devenue alcoolique, loin de là. Disons simplement qu’elle était désespérée. L’emprise de l’alcool l’enivrée d’une chaleur qui lui faisait tellement de bien … Et là, en cet instant, c’était plutôt la douche froide.  

Lorsqu’elle entendit Angel se lever d’un coup sec, la jeune femme sursauta. Prise par une peur éphémère. L’instant de survie surement. Son silence était tranchant comme une lame de rasoir. L’attente insoutenable, un peu comme lorsqu’on attend le verdict des résultats de dépistage d’une maladie incurable. Angel, c’était un peu comme sa maladie incurable. Qu’est-ce qu’elle pouvait l’avoir dans la peau cet idiot. D’ailleurs, en parlant de cet idiot, sa réponse se fit attendre. Maintenant que Phélina avait repris un semblant d’esprit, prête à en découdre, Angel s’était terré dans un mutisme exaspérant. La jeune femme ne put retenir un sortir lorsque simplement, il lui dit qu’il ne pouvait pas lui raconter ce qu’il lui était arrivé. En même temps, à quoi pouvait-elle s’attendre d’autres de sa part ? Au final, une question lui parcoura l’esprit en un éclair … Pourquoi se rendait-elle malade à ce point pour quelqu’un qui vraisemblablement, se fichait de laisser une personne qu’il avait aimé autrefois dans l’incompréhension total ?  

Presque résignée à laisser tomber une nouvelle fois, la demoiselle s’apprêtait à se lever afin de quitter cette pièce de malheur quand Angel se dirigea vers elle et se mis à faire les cents pas autour d’elle, tel un lion en cage. Angel était-il devenu fou ? Il semblait manquer d’air. Des perles de sueurs roulaient le long de son front. Son thorax se soulevait rapidement, traduisant une tachypnée. Ces signes, Phélina les connaissaient bien. Était-il anxieux ? Réellement ? Observant simplement les pas du jeune homme à travers la pièce, l’ordre que lui donna Angel la fit de nouveau sursauter. Puisqu’il l’exigeait, Phélina fit face au regard du jeune homme et l’écouta sans broncher d’un sourcil, comme coincée dans un bloc de glace. Son souffle à peine audible, un peu comme si elle retenait sa respiration afin de ne pas perturbé le monologue du jeune homme.  

A l’écouter, Phélina avait la frustrante impression qu’Angel la prenait pour une idiote. Comment pouvait-elle comprendre ? C’est vrai. Comment pouvait elle comprendre une situation que le jeune homme prenait tant de mal à cacher ? La vérité aussi blessante pouvait-elle être, avait le devoir d’être dite. Comment pouvait-il être aussi égoïste ? Comment pouvait-il être égoïste au point de laisser Phélina dans l’incompréhension total depuis toutes ces semaines ?  

“ Et toi ? Comment peux-tu me demander de fermer les yeux sur ce que tu sembles vivre chaque jour depuis ton retour ? “

Oui. Comment le pouvait-il ? Même s’il ne semblait pas en être conscient, Phélina tenait encore énormément à lui et le voir dans cet état lui fendait le cœur. A cet instant, elle aurait tellement aimé le prendre dans ses bras et simplement lui souffler que maintenant, tout irait bien. Qu’elle était là pour lui. Même dans les pires moments. Mais elle n’en avait pas le droit. Angel semblait se trouver dans un état de trans. Tenter de l’approcher était pour le moment mission impossible. Tout ce qu’il lui restait à faire, c’était de l’écouter. Aussi durs étaient ses mots.  

A mesure qu’Angel s’expliquait, Phélina comprit le calvaire qu’il avait dû vivre depuis toutes ces années. Ses mots la touchaient profondément. Le jeune homme avait vécu un calvaire à la guerre. Et c’était la raison de son changement, du geste qu’il avait eu envers elle, quelques minutes plutôt. La demoiselle se doutait que la guerre n’était pas une partie de plaisir. Mais imaginer Angel vivre tout ce qu’il était en train de conter, était un crève-cœur. Elle qui lui en avait tant voulu pendant toutes ses années … Un sentiment de culpabilité la transperça comme un coup de poignard. Elle qui s’était faite tant de films tout ce temps … Elle était bien loin du compte finalement. Elle se sentait bien bête maintenant. Angel semblait tellement bouleversé … Partagée entre le regret de l’avoir obligé à tout lui dire et la satisfaction de connaitre le mal qui le rongeait depuis tout ce temps, le cœur de Phélina balançait fébrilement.  

Lorsqu’Angel se calma enfin, adossé à la porte, la demoiselle se leva. Refusant de l’abandonner dans cet état malgré ce qui s’était passé plutôt, Phélina s’avança à pas de loup en direction du jeune homme qui semblait fixer le sol. A ce stade, elle ne pouvait plus reculer. Que ça passe ou que ça casse, il fallait qu’à son tour, elle s’explique. Bien qu’elle n’ait pas vécu un cauchemar comme Angel, son absence avait laissé un vide immense dans sa vie.  Maintenant que l’abcès était en train de se percer, il était temps de mettre cartes sur table.  

“ Tu ne peux peut-être pas sauver le monde mais je suis convaincue que tu peux te sauver. Ça mettra surement du temps mais je suis convaincue qu’un jour, tu te sentiras mieux …"

Cherchant la proximité du jeune homme, Phélina s’approcha doucement de lui, comme si elle s’approchait d’un animal craintif dont elle devait gagner la confiance. D’un geste tendre, elle posa l’une de ses mains sur sa joue. Frissonnant légèrement au contact de la peau du jeune homme sur sa main, Phélina tenta de relever le regard du jeune homme vers elle.  

“ Tu penses que mon regard sur toi, a changé ? Tu t’es tellement renfermé dans ton monde que tu ne te rends même pas compte que je passe mon temps à attendre rien qu’un regard de ta part. D’ailleurs, je tuerai rien que pour l’un de tes sourires. Tu fais semblant d’être le même devant tes amis, tes conquêtes d’un jour. Mais lorsque tu es avec moi, tu n’es qu’un fantôme. Je peux à peine t’adresser la parole. J’ai l’impression d’être un poids pour toi, que tu traines parce que tu y es obligé. D’être une corvée dont tu devrais te débarrasser et peut être que tu as raison finalement. Je t’ai attendu. Je t’ai pleuré.  J’ai prié pour qu’il ne t’arrive rien. Que tu me reviennes sain et sauf. Tu n’imagines même pas combien fût ma joie lorsque tu es revenu de la guerre et combien fût ma peine lorsque j’ai compris que tout avait changé …"  

Un silence plana quelques secondes avant que Phélina ne reprenne dans un souffle.

“ Tu as raison. Je ne comprendrais surement jamais ce qui t’es arrivé là-bas. La seule chose que je peux faire, c’est t’apporter mon soutien. Bien qu’il ne semble avoir aucune importance pour toi aujourd’hui. Si c’est ce que tu veux vraiment, je partirai à la première heure puisque c’est ce que tu sembles souhaiter depuis toutes ces semaines, sans oser me le demander. Je ne veux plus me sentir être un poids pour toi, c’est le pire des sentiments …"

Une larme s’échappa le long de sa joue alors que sa main tomba le long de son corps, telle une masse lourde qu’elle n’arrivait plus à supporter. Se reculant d’un pas, Phélina décida d’affronter une dernière fois son regard …

“ La seule chose que je voulais, c’était t’aider à surmonter le mal qui te rongeait. Je te connais Angel. Depuis toutes ces années, tu ne peux pas me mentir. Je sais reconnaître lorsque tu ne vas pas bien. Je voulais être l’épaule sur laquelle tu pouvais te reposer comme autrefois. T’aider à surmonter tes tourments, peu importe le temps que ça prendrait.  Mais tu as mis tellement d’énergie à creuser ce gouffre entre nous, qu’il est temps que je voie la réalité en face. “

Les mots que venaient de prononcer la demoiselle lui brûlait la gorge, tel un acide qui glissait doucement le long de son œsophage. Phélina savait qu’Angel n’avait rien à offrir pour l’instant et pourtant, la seule chose qu’elle espérait, c’était qu’il lui demande de surmonter cette épreuve avec lui ...

Il savait que ce jour arriverait. Voilà pourquoi il a mis tant de distance. Voilà pourquoi il ferme toujours sa porte de chambre à clef. Voilà pourquoi... mais voilà, ce soir, il a oublié. Et cet oubli est fatal. Il dormait. D'un sommeil dévastateur et meurtrier... sanglant souvenir et horrible instant de sa vie. Il revit chaque instant. Ces images ne quittant pas son esprit aujourd’hui meurtri. En général, il écoute la musique en s’endormant. Ça l’aide un peu à l’apaiser. Mais lorsque ses écouteurs quittent ses oreilles, que la playlist est terminée... les cauchemars arrivent et le percutent de plein fouet. Et voilà que Phélina se trouve là... entre ses mains, sa gorge... son regard envahi par la peur tandis qu’il ne se rend compte de rien avant de s’éveiller, réalisant son geste. Les larmes coulent, les mots sortent enfin et il ne se sent pas mieux. Il voit qu’elle le regarde différemment. Il aurait préféré qu’elle ne connaisse pas cette facette de lui. Il aurait voulu qu’elle continue à penser à lui comme à un souvenir de leur passé... quand la jeunesse offrait alors tant de simplicité alors que le seul désir de l’époque est de vivre d’indépendance. Quelle ironie.  

Le voilà contre la porte, le regard dans le vide. Il l’entend se lever. Dans son champ de vision, il la voie s’approcher de lui d’un pas lent et il ne bouge pas. Il n’ose pas faire le moindre geste. Elle dis qu’elle pense qu’un jour il se sentira mieux et, intérieurement, il ris jaune. Qu'en sait-elle ? Il n’en a aucune certitude. Il aimerait qu’elle ait raison. Que ses paroles soient reflet de la réalité. Mais il n’est pas rare de voir des anciens militaires devenir fou, dépressif et allant jusqu’à mettre fin à leur jour pour que leur cauchemar s’arrête. Parfois il se dit qu’il préfèrerait être un fantôme plutôt que de revivre, jour après jour, heure après heure... ses instants traumatisants et tragiques. Il ne supporte plus de vivre ainsi. Il ne regrette pas son choix... ce qu’il regrette c’est d’avoir été si naïf que de croire que l’être humain serait capable de faire preuve d’humanité. Que les guerres étaient là pour de bonnes raisons... mais tout cela n’est qu’illusion. Les guerres ne sont motivées que par des raisons qui n’existent pas réellement ou alors qui sont manœuvrés par quelques égoïstes, bien sagement en sécurité dans leur tour d’ivoire tandis que de pauvres innocents perdent la vie, diriger par ce désir de rendre le monde meilleur... comme Angel.  

Une main vient se poser sur sa joue. Angel relève doucement son regard humide de larme et il croise son regard alors qu’elle prend la parole... ses mots le touche au plus profond. Il sait que cela n’est pas facile pour elle. Il sait tout ce qu’elle te dit. Il sait qu’il fait semblant devant tous. Mais c’est aussi une façon pour lui de se sentir mieux. Car une part de lui ne veut pas que les gens ai pitié de lui ou qu’on le voit détruit. Car ainsi, le regard des gens n’a pas réellement changé. Il n’y a qu’avec Phélina que c’est différent. Plus difficile... car ils se connaissent depuis si longtemps. Ils n’ont jamais eu de secret l’un pour l’autre et leur relation a toujours été une évidence comme leur fiançailles. Il se rappelle sa demande en mariage. Il avait prévu une sortie dans un grand parc d’attraction. Après tout ils ont toujours été de grands enfants. Et en haut de la grande roue, une manigance avec le forint pour donner l’impression d’être bloqué en haut et après avoir fait l’amour de manière indécente dans la cabine... il lui proposer de l’épouser. C'était magnifique. Mais tout cela est loin aujourd’hui... car il a fait la guerre.

Une larme quitte sa joue... ses mots sont si durs... elle se sent mal. Elle a mal. Il aimerait pouvoir la consoler et ses mots lui font battre le cœur. Il ne sait comment réagir mais alors qu’elle se trouve plus proche de lui, plus encore que ses derniers jours... il détail son visage, il observe ses marques, culpabilisant et s’en voulant. Peut-être devrait-elle partir oui. Elle serait plus en sécurité si elle partait loin de lui. Alors qu’elle termine enfin de parler, les larmes coulant sur ses joues, Angel n’arrive pas à exprimer quoique ce soit si ce n’est une profonde mélancolie... un regard perdu, vide de tout alors que les larmes coulent également sur ses joues. Un silence plana entre eux... un silence lourd. Quand alors, dans un élan, sans prévenir, Angel attrapa d’une main la taille de la belle brune, tandis que son autre main releva le visage de la belle vers lui. Il rencontra ses lèvres, soupirant alors dans un souffle liberateur entre ses lèvres, venant coller son corps au sien. Il l’embrassa avec fougue, se déchargeant émotionnellement comme jamais. Pourquoi cet élan ? Pourquoi maintenant ? Il n’en avait aucune idée. Son esprit était si empli d’un chao qu’il avait agit sous une simple impulsion. Il la fit reculer, ce baiser se faisant plus intense et langoureux que toux ceux qu’ils avaient pu partager par le passé. Il glissa sa main dans les creu de ses reins, la possédent fermement contre lui, laissant son cœur battre contre sa peau au rythme de leur étreinte. Ils arrivèrent au niveau du lit, mais il ne bascula pas...

Le baiser prend alors fin, un instant, laissant à chacun le temps de reprendre leur souffle. Angel colle son front à celui de sa fiancé, une main sur sa joue, caressant sa peau humide de larme de son pouce. Il ferme les yeux, une larme coulant alors et il soupire dans un souffle haletant : “Je... je t’aime” fait-il alors avant de soudainement se reculer, et disparaître derrière la porte en quelques pas, s’engouffrant dans l’obscurité de leur appartement. Il arrive dans la salle de bain, claquant la porte derrière lui et se laisse glisser le long de la porte, prit alors d’une sorte de crise d’angoisse qu’il contrôle comme il peut. Se mordant la lèvre, en boulant contre le sol froid, il finit par se relever pour entrer dans la cabine de douche... Ouvrant l’eau froide et laissa l’eau coulé sur sa peau brûlante, paupières closes... il ne sait pas ce qu’il a fait. Il ne sait pas s’il a eu tort. Il est complètement à la ramasse... Il se dit qu’il vaut mieux pour lui que ce n’était pas une bonne idée d’aller plus loin.. Au risque de le regretter par la suite... mais ce baiser était... intense. Et ces mots sincères. Quoiqu’il advienne et peu importe son comportement ou comme il a changer... il l’aimera toujours.  

Je me sentais lasse. Vidée. J’avais l’impression de n’être plus qu’une coquille vide en cet instant précis. J’avais comme l’impression que le poids qui ne m’avait jamais quitté depuis ces 7 longues années, s’était évaporé.  J’avais tellement passé de temps à m’inquiéter pour Angel durant son service militaire qu’aujourd’hui, je me rendais compte que cette peur ne m’avait jamais vraiment quittée depuis son retour. Angel était devenu quelqu’un que je ne reconnaissais plus et même si ses mots me heurtaient de pleins fouets, comme un tsunami que je ne pouvais arrêter, j’étais tout de même soulagée d’avoir pu enfin lui dire les mots que j’avais tant de mal à exprimer depuis son retour. Vivre avec quelqu’un qui était limite devenu un étranger, était vraiment compliqué.  

Finalement, même si cette conversation n’était pas des plus plaisante, j’avais l’impression d’en avoir besoin pour faire mon deuil. Mon deuil … En avais-je vraiment envie ? C’était bien ça le problème. A l’heure actuelle, je ne savais plus vraiment de quoi j’avais envie ou non. C’était un peu comme cette histoire de déménagement. La raison dirait que c’était surement la meilleure des décisions à prendre mais une autre partie de moi, n’en avait aucune envie. Je ne voulais pas l’abandonner seul, face à ses démons. C’était bien au-dessus de mes forces. Et à cet instant précis, je n’espérai qu’une seule chose, c’était qu’Angel décline ma proposition. Je voulais l’aider à se sentir mieux et même si ce n’était qu’en tant que colocataire, finalement, c’était toujours mieux que rien.

Le silence s’était installé entre nous depuis quelques instants, je m’apprêtais à partir. Puisqu’il n’y avait plus que cela à faire désormais. Je détestais ces situations où le silence laissait planer le doute. A cet instant précis, j’aurai tellement aimé crier : “Que veux-tu vraiment Angel ?”, mais je n’en fis rien. Presque déçue et résolue, la sortie n’attendant plus que moi, je sentis soudainement une main se poser sur ma taille et l’autre, se poser sur ma joue, m’obligeant à faire face au regard d’Angel. J’aurai aimé être assez forte pour m’échapper du piège dans lequel j’étais en train de tomber mais en cet instant précis, j’étais bien trop faible pour cela. Bien trop faible pour le repousser. Lorsque ses lèvres rencontrèrent les miennes, je ressentis une chaleur m’envahir. J’avais l’impression de me brûler les ailes une nouvelle fois. Et pourtant, je n’avais aucune envie de sortir la lance à incendie. Ce contact avec Angel qui m’avait tant manqué depuis ces années, me consumait et pourtant, j’aimais ça.  Le contact de son corps contre le mien, me faisait frissonner. En cet instant, ces longues années à l’attendre, cette distance, notre dispute, tout avait été balayé d’un revers de la main.

Mes émotions me submergeaient alors que quelques instants plutôt, elles avaient totalement déserté. Pour moi, ce baiser signifiait quelque chose, je voulais qu’Angel me revienne.  Mon cœur battait à la chamade, loupant de temps en temps un battement alors que notre baiser s’intensifiait. Par moment, j’avais l’impression qu’il allait exploser. Angel me rendait folle. Folle de lui, certainement. Mes mains s’étaient posées délicatement sur les hanches du jeune homme à mesure que je me sentais reculer petit à petit. Je m’enflammais. Et même si le temps nous avait séparé, j’étais restée sienne envers et contre tout. Sentant que mes jambes frôlaient le lit d’Angel, je m’arrocha un peu plus à lui. Je ne comptais certainement pas le lâcher mais c’était sans compter sur le jeune homme.  

La suite des évènements se déroula bien trop vite pour que mon cerveau réalise ce qui était en train de se passer. Les brides me revenaient petit à petit alors qu’Angel venait de prendre la fuite. Son front contre le mien. Ses larmes. Ces mots qui me faisaient vibrer. Sur le moment, j’étais tellement surprise que j’en avais perdue l’usage de la parole. J’aurai tellement aimé lui dire que je l’aimais, moi aussi. Mais maintenant, il était trop tard. J’étais plantée-là, comme une plante verte au milieu de la chambre d’Angel et lui, c’était enfui vers la salle de bain. J’avais besoin d’air. Malgré l’heure, je décida quand même de sortir pour prendre une bouffée d’air frais après tout ce qui s’était passé ce soir. Attrapant ma veste qui était pendue au porte manteau, j’entendis au loin la douche qui coulait. M’approchant sans bruit près de la salle de bain, je posa simplement ma main sur la porte.

"я люблю тебя даже больше", dit-elle en arborant son plus bel accent russe.

Ces mots voulaient tout simplement dire que je l’aimais encore tellement. Seulement, je n’avais pas trouvé le courage de lui dire. Puisque tout était fini pour aujourd’hui, je pris la porte et partie aérer dans les rues de la ville, déjà presque déserte à cette heure de la soirée.